Un peu de physique !
L’art du massage a cela de commun avec le vol d’un avion, que l’arrêt de tout mouvement met en pause ou en défaut le phénomène qui les rend possibles, l’un comme l’autre :
- Si un avion ralentit trop et cesse son frottement sur l’air, celui-ci cesse d’offrir une résistance suffisante aux ailes de l’avion et il s’abîme, faute d’une portance suffisante. En thermes aéronautiques, on dit qu’il « décroche ».
- Si la main du masseur ralenti sa course sur la peau du sujet massé et s’arrête (même s’il existe encore un léger contact), toute perception disparaît pour le massé. On peut également dire qu’il « décroche ».
Quelques notions physiques, dans le domaine physiologique qui est celui du massage, ne feront pas de mal !
La triboélectricité (du grec tribo qui signifie frotter) désigne le phénomène électrostatique créé par la mise en contact de deux corps, suscitant le transfert d’une partie des électrons de la surface de contact, d’un des deux, vers l’autre.
S’agissant du massage cette triboénergie est ce qui permet, pour les deux protagonistes, de percevoir la sensation du massage. Et, suivant l’intensité de celui-ci, d’influer de manière plus ou moins significative sur les énergies internes du massé. Le frottement (ou triboénergie) est capté par des cellules piézo-électriques, appelées aussi protéines piézoélectriques. Ces cellules envoient au cerveau un message électrochimique qui déclenche à son tour de manière fulgurante ou quasi instantanée différentes réactions (mise en œuvre d’algorithmes divers pilotant les réaction instinctives, sécrétion de dopamine etc.).
Ecouter son corps
La phase de perte de perception du massage, pour le sujet massé, varie avec la sensibilité de sa peau. Cette sensibilité étant également différente selon les zones du corps.
Certaines zones du corps, plus protégées, plus intimes ont un épiderme plus fin que les zones les plus exposées au contact et au frottement, comme les zones d’appui des pieds, par exemple.
Ces zones les plus sensibles qui sont aussi les plus « chatouilleuses » sont généralement également des zones érotisées (ou érogènes). Mais ce qui fait d’une zone sensible une zone érogène n’est pas seulement lié à la finesse de la peau, mais aussi à son vécu érotique. Notre émotion locale est en effet également liée à l’historique de notre construction érotique et pas seulement à une configuration ab initio.
Comme l’explique le Dr. Iv Psalti (docteur en Sciences Biomédicales et sexologue clinicien, inventeur du concept de sexualité positive / cf. http://www.sexualitepositive.com/) l’érotisation de notre corps est un long chemin. En effet, à l’adolescence, seules les zones génitales sont véritablement érogènes, chez le garçon, comme chez la fille. S’agissant de cette dernière, en particulier, seul le clitoris est érotisé et l’érotisation du vagin (voire de l’anus) ne vient que plus tard et encore pas chez toutes les femmes.
L’expérience ou l’éducation érotique font ainsi la différence de développement de notre sexualité. En sexothérapie, on peut par exemple augmenter la perception érotique d’une zone, si pour des raisons accidentelles on est privé de sensibilité localement sur les zones érogènes basiques. Tout le monde se souvient en effet de du héros du film Intouchables, incarné par François Cluzet, qui ayant perdu toutes sensations n’était plus sensibles que du lobe des oreilles.
Savoir érotiser son corps pour décupler son plaisir
Sur ce principe, la technique tribo-sense consiste à abaisser le seuil du décrochage, évoqué en début de cet article.
Comme nous l’avons vu plus haut, si la main du masseur ralenti sa pression et/ou sa course sur la peau du sujet massé et s’arrête, toute perception disparaît pour le massé. Et il « décroche ». Cependant, si le sujet massé se place dans un état de veille accru et tend tous ses sens vers l’écoute de la zone concernée, il finira par percevoir des infra-énergies, non-sensibles sans cet apprentissage particulier. Ainsi, son corps non seulement percevra des effleurements d’une infinie légèreté et/ou lenteur, mais surtout percevra les frottements plus appuyés (palpés, pétrissages, roulés) de manière plus aiguë (voire extatique).
Le tribo-sense massage consiste ainsi en un massage qui force une attention et une vigilance soutenues chez le sujet massé, par l’alternance d’effleurements infimes et de touchers plus sensibles, combinés avec une rapidité d’exécution aléatoire, mais surtout dans le registre du peu appuyé et du lent qui nécessitent une attention soutenue du massé et seront le plus à même de développer une sensibilité plus grande des zones concernées. Le caractère aléatoire du massage est la base même de sa réussite. Pour cette raison, la séance tribo-sense alterne en outre également les contacts aléatoires décrits ci-dessus, avec des moments d’arrêt total, pendant lesquels le sujet massé ne peut pas deviner s’il y a quelque chose à percevoir ou non. Il tend alors douloureusement son attention vers une sensation qu’il n’aurait pas su percevoir. Et c’est là le moteur du développement de son excitabilité.
Son efficacité est encore accrue s’il est mis en oeuvre dans le cadre du blind massage (Blind massage), car l’obscurité facilite la concentration du sujet massé et ajoute à l’effet de surprise ; les déplacements, comme les éventuels accessoires, du praticien n’étant pas visibles. Il est enfin d’autant plus adapté au blind massage qu’il est pratiqué à sec, pour plus éviter l’effet de collage, sur les effleurements les plus légers.
Le tribo-sense massage est donc LE massage idéal pour un véritable lâcher-prise (Le « lâcher prise », toucher et massage), mais il n’est pas accessible aux néophytes.
Un massage imprévisible hors de notre zone de confort
Enfin, à l’inverse d’un massage classique qui traite souvent le corps de manière prévisible en quatre zones (face avant et face arrière / jambes et thorax) non seulement le praticien varie la force, le rythme et les durée des contacts, mais il varie aussi, de manière imprévisible, les zones traitées.
Une séance peut ainsi, dans un ordre aléatoire, alterner d’infimes stimulations (à l’aide d’une plume, par exemple) sous les voûtes plantaires ou les ailes du nez (voire en simultané) et d’autres actions plus appuyées localisées en tout autre point et sur des zones infimes ou plus étendues. Le praticien peut également déployer des dispositifs et accessoires et interposer dans son protocole des sensations variées (étoffe rêche ou douce, courant d’air, contact humide, mini-vibrations, mini-décharges électriques etc.). Mais les praticiens les plus expérimentés se contentent souvent du contact peau à peau.
Le caractère imprévisible du déroulé de cette technique amène aussi le praticien à placer le sujet massé en des positions également aléatoires, par exemple en chien de fusil ou autre.
Le principe est ainsi de pousser le sujet massé hors de sa zone de confort et créer à la fois un sentiment d’insécurité et sa totale tension vers l’écoute de son corps. Pour cette raison ce type de massage est réservé au cadre thérapeutique, sous le contrôle d’un sexothérapeute référant.
Il est cependant également possible dans un cadre plus libre chez des sujets, déjà éduqués au massage, motivés, volontaires et dans une totale soumission au processus.
Enfin, certains sujets sont réfractaires et incapable d’entrer dans ce processus, comme on peut l’observer également à propos de l’hypnose et il est souvent improductif d’insister.