Le SoulTouch ou caresse de l’âme
Le corps, un récepteur d’émotions au service de l’âme
Le SoulTouch tire son nom, littéralement, de la notion de « massage ou caresse de l’âme ». Il s’agit d’un soin bienveillant qui agit tout autant sur l’âme et l’humeur que sur le corps. Il conjugue différentes techniques de relaxation, d’imposition des mains et d’effleurement énergétique. Le tout dans un état de pleine conscience, favorisé par une mise en condition mentale préalable ou veille modifiée. Il relève ainsi à la fois de ce qu’on peut appeler une pratique thérapeutique et un soin de bien-être. Dans les deux cas, il débute par une mise en condition mentale.
Le massage de l’âme est une thérapie ancestrale qui a vocation à apaiser le fréquent conflit corps et âme et suppose une exigence de justesse et de bienveillance. Il favorise une connexion au monde, en paix avec soi et avec l’Humanité. Le massage de l’âme m’a été enseigné par un guérisseur africain qu’on désignait seulement du nom d’Ismaël. Ismaël soignait le corps par l’esprit et l’esprit par le corps. Ismaël avait une façon plaisante d’expliquer le massage de l’âme. Il le comparait au toucher caressant dont Aladdin réveillait le génie de la lampe, en référence au conte oriental traditionnel d’Aladdin et la lampe merveilleuse (associé à partir du XVIIIe siècle à la traduction française du recueil Les Mille et Une Nuits). Sans cette caresse de l’enveloppe extérieure de la lampe, le génie de la lampe resterait endormi, comme absent. Il en va de même de notre âme. On peut se demander alors si l’âme n’est pas le bon génie de notre corps. Celui qui nous oriente et nous protège de nous-même. Mais qu’entend-on généralement par âme ? Je ne parlerai pas ici de son acception religieuse qui voudrait que son principe soit seulement celui d’un esprit qui existe en soi et s’oppose au corps et qui, de ce fait, pourrait être sauvé indépendamment du corps (rédemption) ou pire que le corps représenterait le mal quand l’âme symboliserait le bien.
Dans une acception plus profane ou philosophique, l’âme me parait pouvoir représenter le siège de notre activité psychique ou notre conscience ; c’est-à-dire ce qui façonne notre fonctionnement cognitif, émotionnel et affectif, nos préjugés et nos croyances (ou nos valeurs morales). En deux mots, le signe de fabrique (ou l’ADN) de notre personnalité, de notre individualité, de notre moi profond, de notre capacité à parler en disant « je ». Ce « je » dont nous ignorons ce qu’il deviendra lorsque notre corps aura rendu son dernier souffle. En latin le souffle se dit précisément « anima ». Anima signifie aussi vent et, par extension, respiration, vie, esprit, âme (terme le plus directement extrait de sa racine latine).
Mais dans un monde d’injonctions multiples (et en particulier de performance) et de méfiance institutionalisée, notre âme bombardée d’interdits et de matraquage médiatique anxiogène est souvent en échec et en souffrance. Ceci se traduit par une douloureuse cohabitation corps et âme, souvent déchirés entre des injonctions contradictoires. L’âme souffre à bas bruit, mais le corps se défend (affections et douleurs psychosomatiques, par exemple) et notre manque d’alignement est ainsi consommé. Comment en sortir ? Pas simple. La recette idéale est d’apprendre (ou réapprendre) à se faire confiance, à faire confiance à son intuition et à son instinct, à s’aimer, à aimer son image et son corps, à aimer le cajoler et lui faire du bien. Mais comment y parvenir si le plaisir est diabolisé ? Si le stress institutionnalisé est omniprésent et si l’inconscient collectif nous culpabilise de n’être pas alignés, non pas à nous-mêmes, mais à une norme sociale ? Comment parvenir à la plénitude et au bonheur, si « se sentir bien dans une monde apaisé » et une posture et un postulat ringardisée et battue en brèche par un consensus général de morosité et de pessimisme ? Le philosophe Michel Serres se plaisait à rappeler que le monde n’avait jamais été aussi proche de l’harmonie (famines, misère et guerres circonscrites à des territoires de plus en plus réduits et mortalité due à ces fléaux en baisse). Mais il déplorait, ce faisant, les filtres déformants que prétendent nous imposer les médias pour nous rendre accros à leur fiel, de concert avec les politiques populistes qui en profitent pour s’ériger en sauveurs, dans le même but clientéliste.
Le massage de l’âme est une démarche privilégiée pour réapprendre à se faire confiance et à s’aimer à travers une sorte de détricotage de nos conditionnements sociaux, à travers une redécouverte de nos sensations brutes de ce qui est juste et bon pour nous (ou ne nous convient pas) dans la pleine conscience de sensations épidermiques binaires de l’ici et maintenant. Notre âme est en effet parfois recroquevillée au fond d’un corps en souffrance et – telle le génie de la lampe – ne se peut se déployer et s’épanouir que lorsqu’on caresse avec confiance et bienveillance l’enveloppe qui la contient. Cette âme qui n’occupait qu’un volume restreint de notre enveloppe corporelle se gonfle et s’enfle alors en un souffle de vie irrésistible. Les pensées anxiogène, croyances invalidantes, peurs et colères sont enfin rangées à leur juste place. La place est ainsi faite en nous à ce qui est beau, grand et noble, grâce à ce grand ménage mental auquel nous invite le massage de l’âme.
Le Soul touch se pratique sur une table de massage, un futon… ou même dans l’herbe. Le corps détendu dans un état de profond lâcher-prise n’est alors qu’un récepteur d’émotions au service de l’âme. Comme si le corps apaisé permettait à l’âme de se répandre dans toute son enveloppe et se relier directement aux capteurs sensoriels de l’épiderme. Ces capteurs, même activés ou sollicités de manière à peine perceptibles, transmettent au cerveau des messages électrochimiques qui déclenchent la production d’un cocktail d’ocytocine, de dopamine, d’endorphines et de sérotonine, favorisant le lâcher-prise et la plénitude de l’âme.
Préparation mentale
Le protocole du massage de l’âme est scindé en deux phases. La première consiste en une mise en condition mentale de la patiente. Suivant sa réceptivité et la bonne connexion entre elle et le thérapeute, elle peut durer une quarantaine de minutes, en début de séance, voire davantage. Il arrive même que cette première phase occupe toute une séance, lorsque la patiente ne se sent pas prête au toucher épidermique (dans ce cas, elle peut même rester habillée).
A son arrivée, la patiente est accueillie par le thérapeute qui lui montre les lieux, l’informe du protocole et de ses objectifs recueille son adhésion auxdits objectifs et aux modalités du soin, puis la laisse quelques minutes se préparer seule dans la salle ; c’est à dire se déshabiller et s’installer confortablement en position allongée, sur le dos, recouverte d’un grand drap de bain (ou d’une couverture chauffante si nécessaire) la tête légèrement soutenue par un coussin. La pièce est peu éclairée et une musique d’ambiance relaxante et discrète est possible (mais la musique n’est pas indispensable car certaines patientes y sont réfractaires). Une touche d’encens ou différents arômes balsamiques sont possibles.
A son retour dans la salle, le thérapeute l’invite à fermer les yeux, à tenter de faire le vide en elle et à se détendre, car tout au long de la séance, la patiente doit se ressentir accueillie, en sécurité, à l’aise, parfaitement détendue et relaxée. Le thérapeute s’adresse alors à elle sur un ton calme et bienveillant, pour l’inviter à entrer en elle-même à l’écoute des multiples sensations du corps auxquelles on ne prête pas toujours attention. Amener la patiente dans une état de paix de l’âme et du corps et chasser l’inconfort, le stress et les contrariétés sont précisément au centre du protocole. D’une voix calme, posée, profonde le thérapeute l’accompagne tout au long du processus de lâcher-prise.
Mais qu’est-ce que le lâcher prise ? C’est la mise en sourdine des pensées parasites négatives qui polluent ou parasitent la pleine conscience de l’instant présent (hic et nunc). Cette pleine conscience et ce lâcher-prise sont à la fois un but et un moyen de réaliser la pleine connexion âme et corps, à travers le ressenti primaire des sensations de l’instant, sons, chaleur, frissons, picotements ou gargouillis internes, effleurements de la peau… (voire même douleurs objectivées, mentalisées et ainsi parfois circonscrites, comme apprivoisées et ainsi mieux tolérées).
Tout au long de la séance, le thérapeute contrôle le rythme respiratoire et cardiaque de la patiente. Il guette également sur son visage l’apaisement de ses pensées et de ses tentions. Il peut en effet les deviner à la détente de son front, de ses muscles faciaux, à la moindre mobilité des globes oculaires perceptible sous ses paupières, aux plus lentes palpitations de son pouls ou des veines de son cou. Lorsqu’il la sent détendue, accessible et prête, il l’aide à faire le vide en elle, à se concentrer sur son souffle, à observer les sensations brutes de son corps. Est-elle détendue ? Ressent-elle l’appui de sa tête sur le coussin, de ses membres et de son dos sur la table de massage (ou sur le futon) ? Est-ce un contact douillet, confortable et à juste température ou ressent-elle un inconfort ? Peut-elle décrire ces milliers d’infimes sensations que capte, parfois à son insu, chaque partie de son corps ? Sent-elle des fourmillements dans ses membres ou des gargouillis dans son ventre ? Sent-elle les battements de son cœur ? Peut-elle en particulier se représenter la forme que représente son corps allongé ? Peut-elle faire l’effort mental de visualiser le volume intérieur qui lui appartient et l’enveloppe qui le protège du monde extérieur ? Ressent-elle qu’il s’agit d’une frontière perméable, en ce qu’elle lui permet de ressentir avec tous ses sens ce qui la relie à ce monde ? Etc.
Le thérapeute invite la patiente à tenter de visualiser – tout en conservant les yeux clos – ses peurs, ses blessures, les tracas, les blocages ou le stress qui compliquent (ou empoisonnent) parfois sa vie, à prendre conscience des colères qu’elle porte en elle. Il arrive que certaines patientes parviennent mieux que d’autres à cette représentation mentale. Certaines peuvent souhaiter, à ce moment, s’épancher et se confier. Le thérapeute leur demande pourtant seulement de tenter de se les représenter mentalement, à elles-mêmes. Il arrive qu’à ce stade l’émotion de la patiente soit forte et qu’elle éprouve le besoin de se ressaisir. Si la patiente souhaite à ce stade échanger, le thérapeute doit accueillir ses paroles, les commenter et ouvrir une parenthèse thérapeutique sur les sujets qui mériteraient d’être développés (voire même de faire l’objet de séances spécifiques). Le thérapeute la rassure et manifeste qu’il comprend son trouble, par quelques mots ou par un geste bienveillant. Lorsque la patiente a retrouvé un certain calme, le thérapeute l’invite à faire l’effort cérébral de donner une forme sensible, une couleur ou une consistance physique, à chacune de ses peurs, de ses blessures, de ses souffrances ou de ses colères et à chacun de ses tracas.
Le regard mental de la patiente peut maintenant appréhender les contours et la masse de ces figures toxiques, circonscrites en formes identifiées et étiquetées. Le thérapeute l’invite ensuite à rassembler une à une ces figures hostiles, à les repousser et à les emprisonner dans un lieu virtuel déterminé et fermé, loin de sa maison (comme si elle disposait réellement d’un tel pouvoir).
Le thérapeute propose ensuite une démarche analogue ou symétrique en invitant cette fois-ci la patiente à considérer les belles personnes et les belles choses de sa vie, en considérant aussi ses propres talents, la richesse et la perfection de son « équipement cognitif », l’épanouissement et la beauté de son corps, sa souplesse, sa sensibilité etc. Il l’interroge encore. Quelles sont les âmes bienveillantes qui l’entourent (enfants, famille, amis etc.) et sont en connexion avec elle ? Partage-t-elle avec elles une relation de confiance, d’amitié fraternelle ou d’amour ? Le thérapeute lui demande de les placer mentalement sur une estrade. Il la prie aussi de se représenter ce que sont les petites (ou les grandes) joies de sa vie. Qu’est-ce qui lui a fait plaisir ces derniers jours ? Quels projets agréables porte-t-elle en son cœur ? Quelles sont les rêves ou les passions qui l’animent ? Quels qualités et talents se reconnait-elle ? Qu’aime-t-elle en elle ? Que sent-elle de beau, de grand, de noble ou de généreux en elle ? Est-elle capable de bienveillance envers elle-même pour accepter de reconnaitre ses talents et ses qualités, pour parvenir à se sourire dans le miroir, pour apprendre à se faire du bien, à s’autoriser à se donner du plaisir ? Quels sont les odeurs, les lieux et les musiques qu’elle aime ?
Le thérapeute laisse tout loisir à la patiente de réfléchir à chacune de ses questions et d’y répondre en elle-même. Ses questions s’enchainent ainsi lentement, sans nécessaire attente de réponse. Mais il demande à la patiente de s’attarder un moment à chaque question et de donner mentalement aussi une forme sensible aux personnes et choses positives ou bienveillantes qui enchantent sa vie. Tous ces points d’ancrage positifs sont autant d’atouts pour s’aimer soi-même et réussir sa vie.
Lorsque la patiente a effectué ce chemin à son rythme et en toute sérénité, il l’invite à écouter mentalement une musique qu’elle aime et à s’imaginer en un lieu de rêve (qu’elle pourra nommer, décrivant les images, les odeurs, les sons, les impressions et le émotions qui se présentent alors à elle). Il l’invitera ensuite par exemple à s’imaginer faisant un feu de joie, danser autour de ce feu et se réjouir avec les personnes qu’elle aime des ondes positives qui irradient sa vie.
Les questions ici mentionnées ne sont bien sûr qu’indicatives car chaque praticien – en fonction de l’état émotionnel et de détente où il sent la patiente et de ses propres intuitions – ressent l’inspiration des questions particulières à lui poser. Il l’invitera par exemple à se poser des questions comme : Sent-elle les flux énergétiques parcourir ses méridiens ? Ou au contraire son énergie vitale est-elle comme ralentie ? Se sent-elle par moment étouffée, assourdie ou même endormie comme la Belle au bois dormant ? Ou au contraire, est-elle submergée par un flux énergétique qui la dépasse, la bouleverse ou la panique ? Est-ce une énergie de colère ou de rage ? Comment cette énergie se manifeste-elle ? Est-ce une énergie bienveillante et toute en douceur ? Est-ce une énergie qui part de sa tête et qui lui donne parfois l’impression qu’elle va éclater, comme si son cerveau en surchauffe s’emballait sous le flux de trop d’idées, de projets, de questions, d’injonctions, d’angoisses ? Sait-elle détourner et répartir ce flux énergétique vers toutes les parties de son corps ? Peut-elle se figurer canaliser ce trop-plein d’énergie vers la terre, sur laquelle tout son corps repose ? Sent-elle tous les appuis de son corps sur cette terre ? Pour ce faire, est-elle capable de tendre les capteurs de son corps vers les inputs qu’il transmet à son cerveau droit ? C’est à dire ces sensations basiques ou animales de l’instant (de l’ici et maintenant) ? Parvient-elle à retrouver intactes ses sensation épidermiques ou plus profondes ? Lui arrive-t-il de percevoir, accueillir et canaliser une énergie empreinte d’une certaine lascivité ou sensualité ? Ces énergies peuvent-elle s’épanouir en elle, l’aider à lâcher prise et chasser les énergies négatives ?
Le thérapeute invite la patiente à un dialogue corps et âme qui vise à un alignement des besoins les plus élémentaires de l’un, comme de l’autre. Or, si pour une personne équilibrée ou alignée il n’y a pas de conflit corps/âme, pour une personne en souffrance, l’âme toute recroquevillée dans les recoins les plus obscures du corps est pourtant capable de le faire souffrir. Il s’agit parfois d’une souffrance à bas bruit qu’on peut ignorer ou supporter longtemps avant de réagir (comme un caillou dans la chaussure). Ces misères physiques qu’on doit à une âme durablement en souffrance sont susceptibles de provoquer des manifestation somatiques telles que, par exemple : abaissement des défenses immunitaires contre les attaques microbiennes virales ou les cancers, douleurs psychosomatiques, ulcères gastriques, insomnies, exémas, sans oublier le désir parfois conscient de l’âme de culpabiliser le corps, le punir (anorexie, scarifications, diabolisation et privation des plaisirs sensuels) etc. Être bien aligné – corps/âme – est ainsi un enjeu de santé publique. Le thérapeute doit ainsi tenter de favoriser une sorte de médiation entre corps et âme, leur apprendre à se découvrir (ou redécouvrir) mutuellement, à s’aimer et à se faire confiance l’un l’autre. Pour cela, il invite le corps et l’âme à abaisser leur garde pour se laisser gagner par des sensations binaires, certes subjectives, mais ressenties comme quasi-objectives, tant le filtre des préjugés du cerveau gauche aura été apaisé et tant le ressenti des sens aura été stimulé (cerveau droit).
De temps à autre, tout au long de cette mise en condition de la patiente, le thérapeute établit un léger contact de sa main ou seulement de deux ou trois doigts, sur son avant-bras, son épaule, son crâne ou tout autre partie de son corps. Il peut ainsi ressentir au bout de ses doigts l’état de détente de la patiente et lui communiquer son propre calme et sa propre sérénité.
La première partie de la séance consistent ainsi seulement à accompagner la patiente sur le chemin du retour en elle-même, un retour sur elle-même, en un questionnement intime. La patiente sent-elle dans ses membres, dans ses entrailles ou sa poitrine les énergies de son féminin sacré ? Connait-elle les archétypes dominants de ce féminin sacré ? Lorsqu’il s’exprime en elle, ce féminin est-il le bienvenu ? Ou arrive-t-il à la patiente de le faire taire en mettant en avant sa polarité masculine, par exemple pour tenir les hommes (ou certains hommes) à distance ? Sent-elle parfois le masculin extérieur comme une menace d’être asservie ou dominée ? Se sent-elle également parfois envahie par sa propre polarité masculine ? Son statut social (ou son âge) l’autorise-t-il à laisser ce féminin s’exprimer en elle ? Y a-t-il ainsi en elle une place pour le désir et un accueil bienveillant du plaisir ? Ces dernières questions sont intimes et le thérapeute n’a pas à connaître les réponses. La patiente est seulement invitée à se les poser librement et nul ne l’enjoint d’y répondre.
Cette première phase est aussi un chemin vers la détente, le lâcher-prise. A voix basse, le thérapeute l’interroge encore. La patiente se sent-elle connectée et enracinée dans la terre mère ? Se sent-elle en harmonie avec le monde ? Se sent-elle reliée au cosmos grâce aux liens qui l’unissent à la lumière et à la chaleur du soleil ? Ressent-elle – dans sa gorge et dans sa poitrine – le passage de l’air qu’elle inspire et expire en pleine conscience ? Sent-elle cet air emplir et régénérer tout son corps ? Se sent-elle reliée à la race humaine et en harmonie avec sa communauté familiale, professionnelle ou sociale ? Se sent-elle en paix avec le monde ? Etc.
A ces questions, le thérapeute n’attend pas de véritable réponse, mais seulement une conscientisation des mille et un liens qui l’unissent au monde et aux infimes émotions de l’âme et du corps souvent ignorées.
Cette démarche préliminaire amène la patiente qui consent à lâcher prise dans un état de veille modifiée. Mais certaines patientes ne parviennent pas à lâcher prise avant plusieurs séances et certaines, plus réfractaires, n’y parviennent jamais. Il en va cependant parfois différemment lors du massage proprement dit. Certaines patientes fonctionnant de manière plus cérébrale et d’autres de manière plus tactile. Le massage de l’âme est une approche holistique qui soigne le corps par l’âme et l’âme par le corps, offrant ainsi à chacune ou chacun une chance de parvenir au lâcher-prise.
Seconde phase, la caresse de l’âme
Le massage de l’âme tient sa spécificité de la préparation mentale décrite ci-dessus. Chaque thérapeute adapte son propre discours comme son propre toucher, mais ce dernier restera quoi qu’il en soit superficiel, léger, chaste et bienveillant.
Pour commencer cette seconde phase, la patiente est invitée à se retourner pour s’installer à plat-ventre sur la table de massage ou le futon. Sa tête et sa poitrine doivent être bien calées, en sorte qu’elle ne ressente aucun inconfort au niveau de la nuque ou des épaules et aucune gêne pour respirer. Un long drap de bain ou une couverture recouvrent son corps. Le toucher du corps se fait sans huile, pour préserver la sensation brute des effleurements les plus ténus, et en partie au travers du trap de bain, offrant une légère rugosité et conservant une plus grande chaleur épidermique.
La séance entre alors dans une phase plus silencieuse, en sorte que la patiente puisse se déconnecter de son cerveau gauche. Elle peut ainsi tendre toute son attention vers la perception en pleine conscience des sensations épidermiques les plus légères, ténues, voire imperceptibles. Le massage de l’âme vise en effet à jouer avec l’infra-sensible, en sorte que la patiente soit tout entière tendue vers une perception qui doit mobiliser son attente et son attention. Le principe de ce massage n’est en effet pas d’agir sur les couches profondes des muscles, ni sur les viscères mais seulement sur les capteurs épidermiques de l’enveloppe superficielle du corps. Ces capteurs sont constitués de cellules piézo-protéiques (ou protéines piézoélectriques). Leur activation envoie des messages au cerveau qui déclenche alors des algorithmes provoquant la production d’hormones dites « du bonheur » (ou du bien-être), en particulier d’ocytocine et de multiples réponses émotionnelles et/réactions physiques. Ainsi, non seulement la patiente ressent la plénitude de l’âme, grâce à ces hormones, mais prend également conscience de la place que son corps occupe dans l’espace et de la frontière que représente sa peau entre elle et le monde. Cette frontière qui la contient, la protège à la fois des agressions des microbes, de l’excès d’humidité et de nombreuses atteintes superficielles, mais aussi lui procure un grand nombre de sensations positives (chaleur, caresses du sable, du vent, du soleil ou des vagues, contacts physiques de corps aimés ou caresses bienveillantes etc.).
Ce massage de l’âme est léger et le moins intrusif qu’on puisse imaginer. Il convient à ce titre particulièrement aux personnes réfractaires a priori au toucher. Paradoxalement il convient aussi aux personnes trop habituées aux massage ou aux interactions corporelles violentes, incapables de rien sentir d’une simple caresse et souhaitant ainsi se rééduquer à un toucher soft et bienveillant. Le thérapeute commence ainsi par une légère imposition des deux mains, en haut et en bas du rachis de la patiente, en sorte de percevoir ses énergies, de sentir sa respiration et de s’ajuster à son rythme. Cette posture statique peut durer quelques minutes. Suivent ensuite d’infimes effleurements du bout des doigts, de l’ongle ou du dos de la main du praticien, sur différentes zone de l’épiderme laissées accessibles par les vêtements ou sous-vêtements. Car une main à l’envers est une main plus légère et plus respectueuse (ni autoritaire ni dominatrice, ni prédatrice).
Aussi discrètes soient-elles, les réactions de la patientes (soupirs, palpitations veineuses, chair de poule, cambrure du dos ou encore mouvements des doigts) sont les signes que ces effleurements sont perceptibles par ses capteurs épidermiques. Elles révèlent également les zones les plus réceptives. Le thérapeute peut ainsi ajuster la nature, la vitesse et la pression de ses doigts pour atteindre le juste toucher. Le thérapeute est alors en mesure d’œuvrer de manière pertinente, douce et précise, grâce au dialogue invisible qui s’institue petit à petit avec la patiente. Il faut bien sûr que celle-ci soit réellement détendue, installée dans un véritable lâcher-prise et ne s’oblige pas à un contrôle excessif de ses émotions et de leurs manifestations.
Comme évoqué plus haut, le massage de l’âme ne vise pas la détente de la patiente par le malaxage de ses muscles, mais cette même détente (et la plénitude de l’âme), par la légèreté du toucher qui provoque une sécrétion maîtrisée des hormones dites du bien-être ou du bonheur. Dans cette phase les effleurements toucheront, en principe, toutes les parties découvertes du corps, en sorte d’éveiller leur réceptivité aux sollicitations les plus légères et d’optimiser l’euphorie des sens. Le praticien en massage de l’âme doit ainsi posséder une grande acuité de perception de l’état émotionnel de la patiente. On dit ainsi parfois qu’il a des yeux au bout des doigts, pour se laisser guider par ses attentes mais rester attentifs aux limites que la patiente souhaite instituer.
En fin de séance et si la patiente manifeste, par différents signes, l’attente d’un massage moins éthéré, le thérapeute pourra pour quelques minutes légèrement accroitre la pression du toucher, pour un modelage plus enveloppant, plus chaleureux ou plus protecteur. Cependant, si le massage est trop puissant ou parait inapproprié à la patiente, il lui est loisible d’y mettre fin en levant seulement la main.
On trouve en Inde une pratique rituelle appelée Soul touch, mais – à la différence du massage de l’âme de Monsieur Ismaël – cet art indou poursuit semble-t-il une visée moins thérapeutique que religieuse et je n’ai jamais entendu dire qu’elle était pratiquée en occident. Je serais ainsi intéressé de connaitre d’autres adeptes de cette pratique, s’ils veulent bien se faire connaitre. Je lance également un appel aux personnes qui ont connu les massages de Monsieur Ismaël qui exerçait à Paris XVIII dans les années 1995-98 et à celles qui connaissent d’autres praticiens qu’il aurait formés.
Posture du praticien et cadre thérapeutique
Le praticien psychocorporel – comme de manière générale tout thérapeute consciencieux et soucieux d’éthique – doit être conscient que le toucher, aussi chaste et bienveillant soit-il, atteint sans filtre l’inconscient de la patiente (ou du patient) et ses émotions. Le toucher est en effet un des rares processus thérapeutiques qui – de même que certaines perceptions olfactives (cf. la madeleine de Proust) – est susceptible de réveiller des émotions et des sensations intimes – agréables ou au contraire douloureuses – de manière imprévisible.
La peau nue et vulnérable offerte au toucher s’expose en effet à la remontée fulgurante de souvenirs souvent enfouis (innocentes caresses enfantines, touchers moins respectueux, voire traumas et abus, jusque-là enfouis dans un déni inconscient). Cette immédiateté (au sens propre) de ce toucher sans filtre constitue d’ailleurs son principal intérêt et favorise un lâcher-prise efficace. Sa pratique doit ainsi s’exercer dans un cadre clair et sécurisant pour les deux parties.
Ainsi, pour prévenir toute sensation désagréable ou risque de ressenti intrusif ou inapproprié, lors du toucher, le (ou la) thérapeute s’informera des limites que la pudeur de la patiente entend imposer à l’intimité du toucher. Il s’assurera tout au long du massage du bon accueil de son toucher dans le respect du cadre préétabli. Ainsi, quel que soit le désir ou le caprice exprimé par l’une ou l’autre des parties, l’objectif et les modalités du soin ne sauront être remis en cause et ce pour toute la durée de la séance.
Il doit en outre être clairement établi et compris que l’engagement thérapeutique se situe dans l’ici et maintenant. C’est à dire dans un espace-temps bref et différent de la vraie vie qui se déroule, quant à elle, dans la durée et en tout lieu. Ceci signifie qu’il ne peut et ne doit pas y avoir de confusion dans l’esprit de la patiente entre une personne incarnée (son compagnon ou son mari par exemple) et le thérapeute qui n’a qu’un rôle fonctionnel et impersonnel. Tout blocage émotionnel relatif à un sentiment de flou dans la manière dont le cadre est posé entrainant un possible conflit de loyauté dans l’esprit de la patiente, fermant l’accès au lâcher-prise, par ailleurs revendiqué.
Ce cadre doit en effet notamment garantir aux deux parties que, certes, le soin suppose un échange d’énergies entre le sujet massé et le praticien et/ou un échange entre deux polarités genrées, mais qu’à partir de la première seconde du massage et tout au long de celui-ci, le masseur (ou la masseuse) ne sont plus que des mains anonymes (comme dépersonnalisées) au service du protocole thérapeutique. La patiente comprendra que le praticien psychocorporel n’est ni un partenaire ni un ami, mais une sorte de miroir ou d’accessoires tout entier asservi à l’objet du protocole thérapeutique. Pour toute la durée du protocole le rôle du praticien sera de la guider dans un processus de pleine conscience de son être (corps, âme et esprit) dans l’ici et maintenant, de découverte (et d’expression) de soi et de découverte de sensations et d’émotions inconnues… et si possible de lâcher prise.
A fil du massage, il se peut que le toucher bienveillant du praticien suscite des sensations et émotions intimes, chez la patiente. Il ne peut pour autant pas être question d’une véritable intimité (entre deux personnes à part entière). Car le praticien est ici réduit à un rôle d’instrument au service de la thérapie, pendant toute la durée du soin. Ainsi, au fil des séances, la patiente ne doit pas éprouver de crainte ou de culpabilité face à son thérapeute, mais la seule émotion de se retrouver elle-même et face à elle-même.
Enfin les phénomènes de transfert et contre-transfert sont fréquents, dans la relation praticien psychocorporel et patiente. Ils peuvent paraitre nuire à une relation thérapeutique saine, mais comme l’écrit la psychanalyste britannique Paula Heimann, la première à théoriser la notion de contre-transfert : « J’ai été frappée par la croyance répandue parmi les thérapeutes que le contre-transfert n’est qu’une source de problème (…). Ma thèse est que la réponse émotionnelle du thérapeute à son patient représente l’un des outils les plus importants pour son travail » / cf. « On counter-transference », International journal of psychoanalysis, 22, 1950, 1949 et « Counter-transference », British journal of Medical psychology, 1960.
Le respect du cadre n’en est ainsi que plus crucial, tant d’un point de vue éthique que thérapeutique.
Plus largement, le devoir du praticien pourrait être résumé dans la locution latine « Primum non nocere ». Cette maxime signifie : « en premier, ne pas nuire ». C’est un des principes fondateurs du serment d’Hippocrate qui place le respect du patient au centre du projet thérapeutique. Les praticiens des professions de santé réglementées et non-réglementées devraient ainsi prendre le même engagement moral de l’appliquer, le défendre et de promouvoir une éthique de la vertu centrée sur l’intention et les devoirs du praticien. Celui-ci étant tenu de se placer tout entier au service du patient, sans abuser d’une posture dominante de sachant, sans outrepasser le cadre de son intervention ni l’attente du patient, sans projet d’imposer ses croyances ou ses valeurs et bien sûr sans nourrir de visées prédatrices.
Philippe Lamy
Thérapeute de la relation et du couple, sexothérapeute