La quête du plaisir féminin
Issue d’un matriarcat ancestral mis à mal par plus de douze mille ans de patriarcat, la philosophie hindoue (cachemiry, en particulier) cultive un égalitarisme exemplaire entre la femme et l’homme. Loin d’être diabolisé, comme dans nos sociétés modernes hétéronormées et monogames, le plaisir féminin y est ainsi reconnu et recherché, à l’égal de celui de l’homme. Il y est même l’objet d’un véritable culte.
La religion taoïste et la philosophie tantrique placent le plaisir féminin au bout d’un chemin initiatique, nécessitant un investissement émotionnel de la part de ses adeptes, comme des prêtres qui les accompagnent dans la recherche du lâcher-prise, l’éveil du désir puis du l’accueil du plaisir. Ces derniers savent en effet qu’il est généralement contreproductif de prétendre mener une femme au plaisir dans la contrainte. L’éthique tantrique est ainsi d’accompagner les adeptes dans cette démarche de réconciliation du corps et de l’âme, mais jamais de les y précéder ni de les contraindre. Le chemin du plaisir requiert un consentement éclairé et un engagement volontaire de l’adepte, puis l’éveil de ses sens et l’éclosion de son désir. Le développement du désir féminin favorise l’ouverture progressive des chakras sous l’action simultanée d’une mise en condition mentale méditative et d’un toucher bienveillant et respectueux, reçu en plein conscience.
Le lâcher-prise est une étape décisive de ce chemin, mais le plaisir sensuel n’est pas toujours au rendez-vous. Et lorsque sa vague arrive, tout l’art est de la garder haute, de la maintenir et de surfer sur sa crète avant qu’elle ne déferle. De nombreux cachemiries professent même que cette vague doit être contenue et ne jamais déferler ; ce qui donnerait tout son prix à cette démarche initiatique et, d’une certaine manière, ferait de ce cheminement une manière de pratique ascétique. La notion d’ascèse parait ici plaisante, dans la mesure où l’on est accoutumé à l’associer au sacrifice et à la mortification. Elle n’est cependant pas si absurde si l’on considère l’indépendance d’esprit, l’engagement et l’effort spirituel et mental dont il faut faire montre pour s’abstraire des injonctions et des croyances castratrices, invalidantes et délétères, ainsi que de l’inconscient collectif véhiculé par nos sociétés modernes.
Le tantrisme est un courant de l’hindouisme apparu aux environs de l’an 500 de l’ère chrétienne, mais certains historiens le présentent comme issu d’une tradition orale de plus de 20 000 ans. À partir du VIème siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahâyâna et dans le bouddhisme vajrayāna (bouddhisme adamantin ou bouddhisme de diamant, aussi nommé bouddhisme tantrique) pratiqué principalement au Tibet et en Mongolie. Les écritures sacrées de l’hindouisme, présentent le tantrisme comme un dialogue entre Shiva et Shakti. Le mot « tantrisme » désigne « les disciplines spirituelles reposant sur le pouvoir-conscience (shakti) conçu comme la déesse Mère et le féminin sacré ». Malgré son ancienneté, on peut considérer que le tantrisme est une doctrine d’une grande modernité, dans la mesure où il réhabilité la femme en souveraine, dans monde épuisé et parvenu au bout de l’imposture d’un patriarcat abusif et violent ; ce que commencent à découvrir certains mouvements féministes modernes.
Le droit des femmes au désir et la quête du plaisir
Dans les massages modernes et profanes, d’inspiration cachemiry ou tantrique, il est fréquent que le plaisir ne couronne pas la séance, même lorsque ce but (qu’il soit avoué ou non) est recherché. Mais le plaisir sensuel passe en effet avant tout par le cerveau et il est fréquent qu’un parasitage mental ou différentes conditions extérieures pénalisent l’éclosion du désir, puis l’accès au plaisir. La montée du désir résulte aussi d’une alchimie énergétique entre le sujet massé et le masseur. Cette alchimie est le fruit de l’heureux concours des énergies, des émotions (souvent inconscientes des protagonistes) qui entrent en résonnance à l’occasion du massage par de multiples canaux cognitifs invisibles (vibrations sonores et infrasonores, phéromones, contact peau à peau etc.), entrainant notamment la sécrétion d’ocytocines et autres hormones du plaisir. Le cadre technique et juridique de la relation masseur/massée doit être clair et accepté par les deux parties, de manière éclairée et explicite. En effet, des phénomènes de transfert et contre-transfert s’invitent parfois, de manière consciente ou non, dans ces massages qui touchent aux émotions et à l’intime.
Dans nos sociétés modernes, les massages d’inspiration tantrique sont majoritairement réservés aux hommes. Le plaisir féminin y est en effet encore souvent nié, étouffé, diabolisé ou méprisé. Et les femmes, elles-mêmes, ne s’autorisent souvent pas cette recherche du plaisir, tant elles sont éduquées ou conditionnées (et surtout occupées) à contenir ou repousser le désir et les assauts de l’homme. Le mythe de la Belle au bois dormant est d’ailleurs une parfaite illustration des ravages d’un conditionnement destructeur et violent par son mépris à l’égard des femmes, de leur sensibilité et de leurs besoins émotionnels.
Dès leur plus jeune âge, nos filles sont en effet bercées de l’idée d’un mâle puissant qui, un jour, scellera leur destin de princesse. Il les prendra sous sa coupe, les enfermera dans un écrin doré à l’abri du monde et des autres mâles, leur assignera un rôle de pondeuse décorative mais muette. Il leur révélera qu’elles n’étaient rien avant qu’il n’arrive et qu’elles ne seront jamais rien par elles-mêmes, qu’elles ne sont qu’un instrument ou un accessoire de sa gloire et de son caprice à lui. Elles n’auront alors qu’à se borner à satisfaire son bon plaisir (et son moins bon aussi) et en aucune manière à s’inquiéter du leur, tout simplement nié ou tabou. Elles seront dépendantes de l’homme, au plan matériel et émotionnel et ne pourront imaginer la relation d’amour que dans un format monogame, dans la soumission et dans la durée, comme le marathon d’une vie supposant l’absence de toute incartade sur un demi-siècle de vie commune et de toute revendication de leur propre désir.
Un massage réservé aux femmes
Mais les femmes d’aujourd’hui se rêvent reines et toutes-puissantes et non pas princesses potiches de princes (pas si charmants que ça). Elles se revendiquent désormais sujets de désir et non pas objet de désir. Nombreuses, d’ailleurs, sont celles qui rejettent le modèle sociétal monogame et hétéronormé. Certaines déclarent d’ailleurs la guerre à l’oppresseur et rejettent l’homme.
Les praticiens spécialisés dans les massages sensuels inspirés du tantrisme proposent un cadre et un accueil propices à la méditation, mais aussi une douceur, des enveloppements, des caresses qui appellent au lâcher-prise, éveillent le désir et révèlent aux sujets féminins un plaisir parfois jusque-là, méconnu. Mais qui connait le mieux l’âme et le corps d’une femme, qu’une autre femme, pense-t-on ? Dans les spas spécialisés, la candidate à l’éveil du désir sensuel est cependant prise en charge, à sa convenance, par des mains féminines, douces et enveloppantes ou par des mains masculines, plus toniques et puissantes, mais tout aussi respectueuses. Ces mains amies effleurent – un à un – les chakras, les réchauffent et les stimulent pour tenter d’accompagner le sujet massé à la plénitude et à la toute-puissance d’un corps élevé – pour quelques précieux instants – au-dessus des souffrances et des bassesses de notre monde terrestre (cf. Les chakras : portes de notre âme, de notre esprit et de notre corps), mais cette action mécanique de stimulation des capteurs épidermiques du sujet serait sans efficacité sans la préparation mentale qui la précède et l’accompagne, car c’est bien le cerveau qui a le dernier mot et qui autorise ou non le lâcher-prise.
Moins physique que le massage tantrique – parfois décrié pour sa référence à son inspiration philosophique archaïque – le Soul Touch ou massage de l’âme est une pratique thérapeutique, sans nécessaire visée érotique, qui mêle une véritable préparation hypnothérapeutique à un massage ultra léger (parfois infra-sensible) visant à redécouvrir et exacerber la sensibilité épidermique et à un lâcher-prise qui s’inscrit davantage dans la durée.
Tantrisme et modernité, le retour du matriarcat
Sous l’impulsion des différents courants féministes, notre époque commence à voir l’amorce d’un déclin du patriarcat. Le mythe de la Belle au bois dormant aura ainsi peut-être un jour fini d’opprimer, de faire souffrir et de sacrifier des générations de femmes, dans les pays les plus évolués et peut-être à terme sur les cinq continents.
L’avènement d’un nouveau matriarcat permettra enfin aux femmes de déposer les armes, de cesser d’avoir à combatte contre le désir prédateur des hommes. Les femmes pourront enfin se poser « en sujets » désirants et non plus en « objets » ou accessoires du désir masculin. Une ère de paix pourrait alors s’ouvrir, une sorte de Jardin d’Eden.
Quel peut être le rôle des thérapeutes et praticiens psychocorporels, dans tout ça ? Démonter et pourfendre le mythe délétère de la Belle au bois dormant, réveiller les consciences des femmes (comme des hommes de bonne volonté), dédiaboliser le désir et le plaisir féminin et contribuer à accompagner les femmes dans le lâcher-prise, la redécouverte de leurs émotions sensorielles, l’éveil de leur désir et l’éclosion de la souveraine qui sommeille en elles.
Posture du praticien, protocole et cadre explicite
Dans toutes les pratiques et massages qui touchent aux émotions intimes de la patiente, les objectifs et le cadre doivent être préalablement acceptés de manière éclairée et explicite. Ce point est détaillé dans le denier chapitre de l’article ce même site, relatif au Soul Touch, auquel nous renvoyons l’internaute.